Tout commence par une phrase anodine, jetée dans notre face avec leur regard ravi et supérieur.

« Le sport pour moi c’est un plaisir!! »

Combien de fois ai-je entendu cette phrase ou son équivalent? Je ne les compte plus. Ce que je peux vous affirmer c’est que ce plaisir semble trouver sa source dans tout autre chose depuis quelques temps.


Il y a une bonne vingtaine d’années (ma nièce dirait du temps des dinosaures) avant l’apparition de Fessebouc, Touiteur, et consorts, le sport se pratiquait dans des endroits quasiment imperméables au monde réel. Quand on parlait de Sport on parlait entre gens initiés à la compétition. La plupart se regroupait dans des gymnases, sur des terrains, autour de stades, bref, dans des endroits qui faisaient fuir sédentaires, bedonnants, ménagères et mégères. Je vous parle d’un temps où le Sport sentait encore bon la sueur, le sang et les tripes… (´sont tous morts mon colonel) Aller, disons la sueur, la boue, et la chaussette en fin de cycle.En ces temps là, nul smartphone, point d’application. L’envie simple et brute du goût de l’effort, de la confrontation. Le sport comme il a été créé à ses débuts: comme un simulacre de guerre! Mais aujourd’hui c’est fini et les « dinosaures » tels que moi parlent de tout cela avec la larmichette au coin de l’œil.

Egosportif femelle

Egosportif femelle

Ces dernières années est apparu une nouvelle génération de sportifs avides de (re)connaissance. Je les appelle : les égosportifs. Ils sont très faciles à reconnaître. Ils ont souvent un casque sur les oreilles, leur smartphone, des tenues hyper tendances, se regardent dans les vitres des voitures, et quand vous leur demandez « tu vas où? » ils vous répondent à 99% du temps « à la salle ».

Sandra, vous la connaissez tous. Vous l’avez tous croisé une fois dans votre vie. Elle fait partie de ces femmes que toutes les autres envient, avec un corps quasi parfait (mais pas toujours). Tous les jours, comme un rituel, elle met son legging (pantalon ultra moulant pour ceux qui ne connaissent pas), ses belles baskets Naïke, et attache un soin tout particulier à se regarder sous tous les angles. Après tout, elle n’a pas acheté 500€ de matos pour qu’il y ai une faute de goût. Elle se rend alors « à la salle » mais toujours avec son smartphone, une pomme, et son sac. Le portable dans le sac et la pomme sur le portable.

Sur le trajet elle va sortir deux fois son cellulaire (j’adore ce mot), et faire deux selfies avec sa bouche en cul-de-poule en annonçant à la terre entière, via ses réseaux de thérapie de groupe, qu’elle va faire du sport. Pas la peine de s’attarder sur la description de sa « séance de sport ». Elle a bien prit soin de faire une photo devant chaque appareil qu’elle a utilisé pour justifier sa venue et son statut annonçant « moi après 2h à la salle ». Je vous passe les regards des hommes de la salle, la langue par terre à chacun de ses mouvements. Mouvements qui s’apparentent davantage à la parade nuptiale et qui éveillent chez moi des souvenirs de certains documentaires animaliers sur la période de reproduction du Dodo d’Australie occidentale.

Egosportif mâle

Egosportif mâle

Mais elle a bon dos notre princesse… mais elle n’est pas la seule à souffrir de cette pathologie. La gente masculine n’est pas en reste. Ces messieurs veulent “sécher”, avoir de gros muscles. Et pour cela ils n’hésitent pas à manger de la poudre, des flocons d’avoine censés nourrir cheveux et autres bovins. Tout cela dans un seul but: prendre 10kg et faire une photo avant/après afin que tout le monde soit au courant dans leur exploit.

Mais tout cela dans quel but ?
« Pour me sentir bien dans ma peau ».
« Pour être plus fort »
Voici les réponses unanimes des égosportifs..

Alors, où est le problème?
Il s’agit simplement de mettre quelques nuances sur la phrase d’introduction :
« Le sport pour moi c’est un plaisir!! »

On pourrait aisément la reformuler afin que cette phrase soit plus juste dans la bouche d’un égosportif : « Je prends beaucoup de plaisir à montrer aux autres que je fais du sport ».
Et au final en creusant bien, c’est pas le sport qui leur procure du plaisir, mais plutôt la notoriété ou la reconnaissance.

Tout pratiquant est en droit d’avoir son heure de gloire et de se faire sa petite réputation. Là où cela devient gênant c’est quand cette recherche de célébrité devient prépondérante par rapport à l’exercice de sa pratique sportive. Beaucoup de nos amis égosportifs souffrent aujourd’hui de cette pathologie et à mon sens, cela méritait bien quelques lignes.

Joyeux Noël à toutes et à tous